Mécanismes économiques élémentaires

• Une multitude de mécanismes

  Loin des quelques lois générales mises en avant par la science économique, il nous semble que l'économie réelle est faite de nombreux mécanismes élémentaires, très variés, aux effets dissemblables. La bonne connaissance de ces mécanismes est indispensable à la compréhension du fonctionnement local de l'économie. Seul ce savoir est à même de nous permettre d'agir efficacement sur les problèmes rencontrés.

  Notre objectif scientifique est de préciser le concept de mécanisme économique élémentaire et de faire l'étude détaillée de certains d'entre eux, afin d'illustrer le concept concrètement. Nous avons déjà réalisé quelques études et pu découvrir et caractériser quelques mécanismes importants. Ceux-ci permettent notamment d'expliquer des difficultés rencontrées en certains lieux ou par des catégories d'agents économiques.

  Le présent site a pour but de vous présenter nos travaux sur ce sujet.

• Qu'est-ce qu'un mécanisme ?

  Beaucoup de gens utilisent le terme mécanisme économique, mais très peu se donnent la peine de définir le concept correspondant. L'un des seuls auteurs à l'avoir fait est Henri Culman^note 1. Il définit le mécanisme économique comme l'enchaînement chronologique d'une suite de phénomènes économiques dont chacun d'eux obéit au précédent.

  Cette définition est intéressante, car elle établit une distinction claire entre la loi économique (relation fonctionnelle ou causale [d]'interdépendance de deux ou plusieurs phénomènes économiques, toujours selon H. Culman) et le mécanisme économique, celui-ci correspondant bien à l'idée de rouages imbriqués (comme dans les montres).

  Cette notion de répercussions, d'enchaînement d'impacts successifs, nous intéresse beaucoup car il permet de décrire des phénomènes économiques particuliers, en considérant un point de départ (le contexte nécessaire au mécanisme), un enchaînement de conséquences (le mécanisme stricto sensu), qui aboutit à une modification de la situation (les effets du mécanisme).

  Un autre intérêt des mécanismes élémentaires est de permettre d'étudier l'économie et son fonctionnement sur un secteur ou un groupe d'agents de petite taille, et de comprendre et bien distinguer la cause des effets induits (ce que ne peut pas faire la science économique actuelle). Il est même possible d'aller interroger les agents impliqués et de leur demander les raisons qui ont motivé leurs choix.

  Pour plus de détails, voir le chapitre qui est consacré à l'analyse du concept, dans le livre Mécanismes économiques - Tome 1 :
  Granularité de l'économie et mécanismes élémentaires

• Seuils d'activité et emploi

  Le géographe Christophe Guilluy a dressé la carte de ce qu'il nomme les fractures françaises, à savoir le fait que les villes moyennes souffrent du chômage tandis que les grandes métropoles connaissent la prospérité. Il attribue cet écart à la mondialisation.

  Après nous être penché sur le sujet, nous avons pu constater que, sans invoquer la mondialisation, nous pouvions expliquer ces fractures à partir d'un mécanisme assez simple en fait : chaque activité économique nécessite un minimum de clients sur un espace donné (une ville) pour être viable. Si certains métiers basiques peuvent se satisfaire de quelques centaines de clients, la plupart demandent de nombreux clients, qu'ils ne trouvent pas en quantité suffisante dans les petites villes ; à l'inverse, les métropoles urbaines, par leur population énorme, représentent une clientèle suffisante pour toutes les activités.

  Conséquence : alors que les métropoles accueillent des milliers d'activités différentes, et les multiples emplois associés, les villes de petite taille doivent se contenter des emplois offerts par une poignée d'activités seulement (sans que la mondialisation n'intervienne).

  Pour plus de détails, voir le chapitre qui est consacré à ce mécanisme, dans le livre Mécanismes économiques - Tome 1 :
  Mécanisme des seuils d'activité

• Agriculture et capitalisme

  L'agriculture est en crise. Les paysans n'arrivent plus à vivre de leur travail. Mais une partie de leurs problèmes vient du modèle économique qui prévaut aujourd'hui chez les agriculteurs indépendants. La ferme contemporaine n'a plus grand chose à voir avec celle du milieu du XXe siècle. Le machinisme a atteint des sommets et représente un investissement colossal qui n'est plus à la portée d'une seule personne.

  L'agriculteur qui démarre aujourd'hui doit mettre des centaines de milliers d'euros sur la table, euros qu'il n'a plus. Il emprunte donc ces sommes, là où les précédentes générations avaient accumulé petit à petit les terres, le bétail, les équipements.

  Le problème du crédit est qu'il faut bien le rembourser, et toute la marge de l'exploitation y passe (quand elle en a). À l'inverse, les entreprises modernes font appel à des actionnaires, ce qui leur évite le recours à l'emprunt pour leur financement initial ; mieux, elles n'ont pas à rembourser ce capital, et peuvent donc se contenter d'une marge réduite.

  Les agriculteurs contemporains n'ont plus qu'une alternative : soit conserver le modèle agro-industriel et alors faire appel à des actionnaires, sur le mode des sociétés anonymes, soit revenir à un modèle beaucoup moins gourmand en capitaux et accumuler progressivement (comme le font les paysans bio qui, paradoxalement, nous semblent les mieux placés pour accumuler le capital).

  Pour plus de détails, voir le chapitre qui est consacré à ce mécanisme, dans le livre Mécanismes économiques - Tome 1 :
  Mécanisme d'accumulation du capital en agriculture

• Le magasin de chaussures

  Nous avons tous parlé des mécanismes du marché mais savons-nous bien quels sont ces mécanismes ? Le principal mécanisme auquel nous pensons est l'équilibrage de l'offre et de la demande par le prix. Sans entrer dans une discussion sur la fixation des prix, les marchés réels (sur la place du village), ou le rôle de la propriété privée dans l'efficacité de l'économie dite de marché, nous avons découvert, lors d'un jeu de l'esprit, une des sources de cette efficacité, et elle n'a rien à voir avec l'échange marchand (achat d'un bien contre de l'argent).

  Le mécanisme est plutôt simple : un marchand propose un choix de produits aux chalands qui passent ; ceux-ci peuvent sélectionner le bien qui leur convient, dans la taille qui leur va (la pointure, dans le cas des chaussures) ; le marchand commande à son tour le produit choisi à son fournisseur. De proche en proche, en remontant la filière, tous les acteurs obtiennent ainsi ce dont ils ont besoin, sans qu'il soit nécessaire d'avoir un chef d'orchestre pour dire à chacun ce qu'il doit produire (ou acheter).

  C'est ce mécanisme qui a vaincu l'URSS, bien plus que le dollar, le nombre de têtes nucléaires ou l'initiative de défense stratégique (dite guerre des étoiles) de Ronald Reagan....

  Pour plus de détails, voir le chapitre qui est consacré à ce mécanisme, dans le livre Mécanismes économiques - Tome 1 :
  Des bottes pour les économistes

• Vers une science économique organique

  L'examen approfondi de l'économie réelle, dans le but d'y repérer les mécanismes élémentaires à l'œuvre, nous a fait prendre conscience de sa nature organique. L'économie contemporaine est très similaire au monde du Vivant, et nous estimons qu'en conséquence, la science économique doit s'inpirer de la biologie et de la médecine pour l'étudier, et parvenir à la comprendre enfin pour ce qu'elle est (et non comme les théoriciens aimeraient qu'elle soit).

  Nous avons présenté une première ébauche de notre vision sous la forme d'une conférence dans le cadre de l'événement BILIOS 2017, consacré au Biomimétisme libre et open source.

  En guise d'illustration, voir le chapitre qui dresse le portrait de l'économie réelle, dans le livre Mécanismes économiques - Tome 1 :
  L'économie réelle à l'usage des économistes

  Conférence faite le vendredi 8 septembre 2017, à l'Hotel Pasteur, à Rennes : Script de l'exposé.

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1 Les mécanismes économiques, Henri Culmann, Que sais-je ? n°27, 8° édition, Presses Universitaires de France, Paris, 1948-1974